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Une bonne gouvernance va de pair avec un renouveau démocratique : le cas de la Bulgarie

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Une bonne gouvernance va de pair avec un renouveau démocratique : le cas de la Bulgarie

13-01-2022

La corruption prédomine depuis longtemps en Bulgarie, ce qui rend la société plus vulnérable et moins confiante dans la politique. Nous avons échangé avec Daniela Bozhinova, membre du conseil d’administration chez Democracy international et présidente de l’association bulgare pour la promotion des initiatives citoyennes, son travail consiste à améliorer les mécanismes de prise de décision directe en Bulgarie. Mme Bozhinova nous partage ses vues sur la situation politique actuelle du pays et ce que l’on peut raisonnablement attendre du renouveau démocratique bulgare.

Interview by Angel Antonova.

 

De l’été 2020 au printemps 2021, la Bulgarie a connu une vague de manifestation dans sa capitale, Sofia, mais aussi dans des villes à l’extérieur de ses frontières qui possèdent une grande diaspora bulgare, telles que Bruxelles et Londres. Les manifestations visaient le premier ministre bulgare, Boyko Norissov, leader sur la scène politique bulgare depuis plus d’un siècle. Les citoyen.ne.s associent sa période au pouvoir sous les couleurs du parti GERB à l’essor de la corruption en politique. Les récentes manifestations attestent de la frustration des Bulgares face à la corruption et au manque de transparence des institutions publiques. Toutefois, Borissov a refusé de présenter sa démission à la suite des manifestations, il a déclaré que ces dernières étaient des mises en scène et qu’il n’existait pas de réelle alternative à son gouvernement. Quand le mandat de 4 ans du gouvernement Borissov a enfin pris fin, des élections ont été tenues en Bulgarie, le 4 juillet 2021. Cependant, des élections parlementaires anticipées ont dû prendre place in extremis en juillet 2021 puisqu’aucun parti n’est parvenu ou n’a voulu former un gouvernement. A la suite des deuxièmes élections, aucun gouvernement n’a encore une fois réussi à être formé.

Les élections parlementaires se sont tenues une troisième fois en l’espace d’un an en Bulgarie, le 14 novembre 2021. C’est à ce sujet que nous avons consulté Daniela Bozhinova qui exerce en tant que conseillère municipale à Burgas en Bulgarie. Experte en sciences politiques et entrepreneuse sociale chargée du développement de la démocratie et de la gouvernance démocratique au niveau local et régional, elle émet des doutes quant à l’avancée de la démocratie en Bulgarie et ménage ses attentes quant à l’avenir.

Avant la troisième série d’élections, une lueur d’espoir a vu le jour avec le nouveau parti anti-corruption, « Nous continuons le changement » (PP), créé par Kiril Petkov et Asen Vassilev, diplômés d’Harvard. A la surprise générale, le parti est arrivé en tête des élections, remportant 67 sièges à l’Assemblée nationale sur les 240 vacants. De nombreux.ses oposant.es à Borissov pensent que le PP peut révolutionner la politique en Bulgarie, c’est-à-dire, développer le pays sur le plan économique et social et mettre un terme à la corruption généralisée. Mme Bozhinova a confié qu’elle était de son côté « à la fois enjouée et sceptique » vis-à-vis de ce parti. Ce n’est pas parce qu’elle cherche à tout prix à trouver une faiblesse, mais parce que jusqu’à présent, le peuple bulgare a fait l’objet d’une série de « messi.e.s » et de « superhéro.ïne.s », qui promettaient le salut mais n’ont finit que par le décevoir. C’est pourquoi elle fait preuve de prudence face à ces nouvelles promesses. Elle espère que le PP prendra les mesures nécessaires pour redresser l’économie de la Bulgarie qui a été impactée par la pandémie de Covid-19. Il faut noter que le parti n’a pas fait de nombreuses promesses en termes de réformes démocratiques. Mme Bozhinova espère que cela sera pris en compte lors de la formation de la coalition. Elle reste optimiste quant à la mise en place de réformes démocratiques à l’avenir, étant donné que les idées pour la stabilisation et le développement de la démocratie bulgare sont devenues populaires sous l’influence d’autres partis susceptibles de prendre part à la coalition. Par exemple, « une réforme très efficace serait celle en matière judiciaire et d’investigation visant les personnes qui se sont accaparées l’argent public afin de les amener devant la justice ». Les Bulgares n’ont pas vu cela depuis plus de 30 ans - pas faute de promesses.

Mme Bozhinova a aussi souligné l’importance de la démocratie directe comme outil de lutte contre la corruption et pour la transparence. Elle a consacré beaucoup de son énergie à développer la démocratie directe en Bulgarie, comme en témoigne sa dernière initiative proposée à Burgas. Les maires de quartiers à Burgas sont nommé.e.s par le maire de la ville. Il est plus logique pour ceux.lles-ci d’être directement élu.e.s par le peuple, ainsi ils.elles ne sont plus des fonctionnaires mais des personnes individuellement responsables devant leurs constituant.e.s qui leur ont accordé leur confiance en votant. Cependant le maire n’a pas souhaité confier un tel pouvoir de démocratie directe et la proposition a été rejetée.

Ce n’est pas seulement à Burgas, mais en Bulgarie en général que les instruments de démocratie directe ne sont pas suffisamment développés et restreints par la loi. En 30 ans, aucune décision n’a été prise directement par les citoyen.ne.s bulgares. Mme Bozhinova a affirmé que « ce n’est pas dû à un comportement passif de la part des citoyen.ne.s, mais c’est à cause d’une mauvaise législation organisant l’expression de la volonté des citoyen.ne.s. » Un problème technique apparaît concernant les référendums, le quorum de participation. Il est vital de réduire le seuil minimum de participation puisque l’exigence prévue par la législation n’est pas moins que « ceux qui ont voté aux dernières élections parlementaires ». Les critères requis à ce jour vouent quelconque référendum à l’échec. Cela décourage l’initiative citoyenne et permet au gouvernement de commettre des atrocités à l’encontre de son peuple, sachant que les citoyen.ne.s n’ont aucun moyen effectif de le contrôler. L’exigence pour tenir un référendum en Bulgarie est particulière au pays, c’est « une monstruosité juridique, qui n’existe nulle part ailleurs ».

La question est donc « pourquoi les choses ne changent pas, alors que les obstacles à la démocratie directe en Bulgarie sont évidents ? » A cela Mme Bozhinova répond « parce que ceux.lles qui mettent en place les règles refusent de redistribuer le pouvoir. Les instruments de démocratie directe ont pour but de rendre une partie du pouvoir au peuple, qui à l’origine lui appartient. Les élu.e.s avancent que le peuple n’est pas suffisamment compétent pour prendre des décisions. Ils disent au peuple qu’il peut toujours jouer au jeu du référendum en formulant une question et en recolletant des signatures. » Dans ce contexte, elle envisage de rédiger un article sur « le referenduming » - un concept auquel elle a elle-même donné son sens. Les bulgares n’ont pas de référendum, ils.elles ont le referenduming – « des référendums qui servent tout autre objectif que celui qu’il poursuit à l’origine, c’est-à-dire offrir aux individus l’opportunité de prendre eux-mêmes des décisions. Ils sont au service du marketing politique, de la consolidation et création de partis politique, de la valorisation de l’image publique, mais ne servent pas à la prise directe de décision. C’est le genre de manipulation typiquement exercée par les hommes et femmes politiques pour faire croire aux individus qu’ils.elles ont une forme de pouvoir, alors qu’en réalité ils.elles n’en ont pas ».

Il est nécessaire de faire un pas dans cette direction, puisque la démocratie directe n’a pas seulement le potentiel de diminuer la corruption et améliorer la transparence, elle peut aussi augmenter la confiance du peuple dans le système politique. Mme Bozhinova a effectué de nombreux travaux de recherches empiriques, en particulier dans des pays avec des initiatives et des référendums citoyens, tel que la Suisse et les États-Unis. Elle en conclut que « la confiance dans les institutions est plus importante dans les cantons, les états et les villes qui disposent d’un système d’initiative et de référendum bien développé par rapport à d’autres dont le système bien qu’il existe, est très peu développé. » Lorsque les individus prennent part au processus décisionnel sur des sujets qui les affectent directement, tel que la taxation, ils.elles sont nettement plus susceptibles d’être en accord avec les mesures issues d’un système de participation directe, par exemple en étant des contribuables fiables.

De manière générale, les hommes et femmes politiques au pouvoir ne veulent pas partager leur pouvoir. C’est pourquoi seuls les partis membres de l’opposition supportent la démocratie directe. Une fois au pouvoir, ils changent leur position. D’après Mme Bozhinova, « les partis politiques aiment autant les référendums que les dindes aiment Noël ». Cette observation en plus de la situation politique instable en Bulgarie indiquent qu’il ne sera pas facile de renouveler la démocratie, en particulier d’améliorer la démocratie directe rudimentaire déjà en place. Toutefois, c’est précisément parce qu’il n’est pas facile de développer la démocratie en Bulgarie que les citoyen.ne.s exercent une pression pour améliorer les outils de démocratie directe et assurer que les promesses de nouvelles figures sur la scène politique dépassent ce stade.

 

 "Protests in Sofia, Bulgaria - 16.06.2013" by Georgi C is licensed under CC BY 2.0

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