Le premier jour s’est passé en Avril, avec une réunion dans les bureaux de ‘Democracy International’ à Cologne. Nous avons alors commencé par définir notre projet, nos objectifs, mais nous avons aussi appris à nous connaître en tant qu’équipe : Khaled et Hishem de la Tunisie, Antonia d’Autriche et pour finir, Elena en provenance d’Allemagne. Nos discussions portaient sur l’objectif principal de ce projet, à savoir, comment donner de la visibilité aux expériences des personnes issues de la communauté LGBTQ+, ainsi que les militants pour la démocratie, en Tunisie. Dès notre première rencontre, en écoutant les récits de Khaled et Hishem, il nous était déjà évident que le projet portait sur des sujets sensibles politiquement, durant une période de plus en plus difficile en Tunisie. Au cours des trois premiers mois de ce projets, la situation politique ne faisait que s’aggraver d’un point de vue démocratique.
Seulement quelques jours après notre première réunion, le Président Tunisien Kais Saied arrêtait des figures de l’opposition tel que Ghannouchi, homme fort du parti politique ‘Ennahda’. De plus, il a également tenu des propos racistes qui ont conduit à de violentes attaques contre des personnes d’origine sub-saharienne.
Tandis que nous étions occupés à faire des recherches, à produire des podcasts, à créer des réseaux et à organiser une projection de film à Cologne Ehrenfeld, ces attaques d’une violence inouïe, visant des personnes originaires d’Afrique sub-saharienne, ainsi que des Tunisiens de couleur noire, ne se sont que intensifiées suite au propos racistes de Kais Saied. La déportation forcée de migrants dans le désert à la frontière avec l’Algérie et la Libye, sans leur donner aucun accès à de la nourriture, de l’eau ou un abri, n’a fait qu’empirer la situation. L’Union Européenne, avec la première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni en tant que meneuse, à tout de même négocié un nouvel accord migratoire avec la Tunisie, malgré les violations flagrantes des droits de l’homme et les objections de nombreuses organisations humanitaires.
En gardant tout cela à l’esprit, la question de si la deuxième phase de notre projet devait avoir lieu en Tunisie comme prévue, devenait de plus en plus récurrente, mais nous nous sommes malgré tout mis d’accord pour nous en tenir à ce plan. Cependant, deux jours seulement après avoir réservé nos vols, la menacé réelle de l’arrestation d’un de nos collègues tunisiens ? nous a rendu à l’évidence que mener cette phase de notre projet en Tunisie, n’était tout simplement pas concevable. Bien que Khaled ait pu prolongé son séjour en Allemagne, Hichem a opté pour le retour en Tunisie, où il a animé un atelier de formation à la sécurité numérique destiné à des activistes.
Suite à ces développements, les trois d’entre nous sommes mis d’accord pour l’adoption d’une nouvelle approche : visiter et interviewer des activistes en exile. Mais avant de prendre l’avion avec notre caméra et notre microphone, nous devions d’abord réunir les fonds nécessaires et nous avons de ce fait travaillé depuis chez nous à rédiger des propositions.
De longues semaines se sont écoulées sans aucune réponse, mais nous avons finalement pu réunir assez de fonds pour nous rendre plus tard à Stockholm pour nos deux premiers entretiens, avec Haifa Safa et Hamza Nasri. Vous pouvez regarder l'interview ici.
En Septembre, nous avons réalisé un troisième interview avec Ronnie Vitalia, une activiste Soudanaise qui réside actuellement à Berlin et qui nous a parlé de son activisme, de ses croyances et de sa situation.
Alors que la fin de notre projet s’annonçait imminente, nous avons organisé un séminaire en ligne au cours duquel nos interlocuteurs, à savoir Joseph Debono de l’Université de Malte et Caroline Vernaillen de ‘Democracy International’, sont intervenus pour contribuer à notre discussion sur la démocratie (directe) en Tunisie, ainsi que le rôle de l’Union Européenne.
Qu’avons-nous retenu de cette période exigeante, stimulante, merveilleuse et à certains moments, frustrante ? D’un point de vue personnel, je pense avoir appris énormément : sur le travail d’équipe, la Tunisie et l’Union Européenne. Ce projet m’a permis de rencontrer des personnes formidables sans lesquelles j’aurais sans doute abandonné depuis bien longtemps. Ensemble, nous avons franchi de nombreux obstacles, nous nous sommes frayés un chemin dans les rouages de la bureaucratie, des des requêtes et de la paperasse, et enfin, nous avons beaucoup discuté et encore plus rigolé.
Merci pour ce moment !