Tout d'abord, nous avons analysé la manière dont les élections ont été perturbées par la Covid-19 : notamment au moment des inscriptions, du financement des campagnes, des campagnes d'information et du vote. Nos discussions ont principalement porté sur l'élection présidentielle américaine de 2020, qui aura une grande importance non seulement pour les États-Unis, mais également pour le reste du monde. Les experts ont notamment évoqué l'importance de l'information donnée aux électeurs sur les processus d'inscription et d'envoi des bulletins de vote par correspondance. L'organisation de la société civile Voters not Politicians a mené un certain nombre de campagnes pour s'assurer que les procédures démocratiques appropriées soient respectées lors des prochaines élections. Au cours du Covid-19, nous avons également constaté que les petits partis avaient plus de difficultés à financer leurs campagnes. Il est donc nécessaire de repenser et de réformer en profondeur les systèmes de financement. Cela suppose de recourir aux crowdfunding et aux campagnes d'information en ligne.
Ces derniers mois, nous avons également identifié l'accroissement de plusieurs enjeux liés à la démocratie directe. Les organisateurs d'initiatives ont éprouvé des difficultés à recueillir des signatures et à sensibiliser les citoyens à leurs causes. Nous recommandons donc aux autorités publiques de mettre en place un système d'enregistrement en ligne pour les votes de démocratie directe, et de prolonger les délais de collecte des signatures. Les citoyens ne devraient pas se laisser décourager par la situation et devraient se coordonner avec la société civile pour recueillir des signatures et mener des campagnes via des systèmes en ligne. Les citoyens devraient également profiter de cette période de confinement pour se renseigner davantage sur le processus de démocratie directe et élaborer des stratégies efficaces pour de futures initiatives.
Par ailleurs, nous nous sommes penchés sur les enjeux de la protection des données qui sont devenus d’actualité pendant la crise sanitaire mondiale. Ce sujet est principalement lié aux applications de géolocalisation qui ont été introduites dans de nombreux pays dans un objectif de suivre et ralentir la propagation du virus. Cependant, dans de nombreux pays, des inquiétudes ont émergé quant à l’utilisation des données collectées et comment ces dernières pourraient constituer une violation des droits et de la vie privée des citoyens. Par nos discussions, nous avons trouvé un certain nombre de recommandations concrètes qui visent à assurer une meilleure protection des données lorsque l’application de géolocalisation est utilisée, telles que demander préalablement le consentement des individus et effacer automatiquement les données après un temps donné.
La séparation des pouvoirs a fait l’objet de notre quatrième discussion. Nous avons échangé avec des experts de différents pays où la crise du Coronavirus a causé un recul de la démocratie et des abus de pouvoirs. Dans de nombreux cas, les gouvernements se sont servi de l’état d’urgence pour diriger par décrets, c’est-à-dire, passer outre les procédures législatives d’adoption d’une nouvelle loi dans un but de consolider leur pouvoir. Ce que nous retenons de ces discussions est que les pays où les démocraties sont plus résilientes et plus robustes sont moins susceptibles de connaître ce genre d’abus de pouvoir en temps de crise. Nous pouvons en déduire que la démocratie doit être améliorée par l'implémentation de participation directe, pour assurer la responsabilité des hommes politiques quant à leurs actes. Si les organes démocratiques sont plus résistants, il est moins susceptible que les transgressions, mentionnées ci-dessus, se produisent en temps de crise. Dans son livre Démocratie en crise, Tamara Ehs se prononce en faveur de la mise en place d’un comité sur le future, fondé sur le modèle du parlement finlandais, en vue de développer des stratégies à moyen et long termes. En Finlande, ce comité combine les opinions des experts avec le ressenti de l’opinion publique. Dès lors, ce dernier peut débattre des difficultés et apporter son expertise sur les obstacles potentiels avant que ceux-ci ne se manifestent.
Nous avons permis à deux discussions d’avoir lieu sur la liberté de presse et la transparence. La propagation de fake news constitue un des plus grands défis actuels. Il est cependant très difficile de réglementer les fake news par des lois autre que celles pour la diffamation. Notre principal conseil est que les individus s’instruisent sur les médias et les informations afin d’être en mesure de déterminer si une information est véridique après avoir consulté des sources sûres et des données vérifiables. Les débats publiques et la transparence dans la prise de décision ont aussi été affectés par les restrictions liées à la Covid-19. Suite aux débats, nous recommandons aux individus de militer pour plus de démocratie directe aux moyens d’outils préexistants et en collaborant avec des organisations de la société civile telle que Open Government Partnership pour amener du changement dans les systèmes démocratiques et engager des discussions avec les hommes politiques.
Enfin, la vie publique étant au ralenti, les assemblées citoyennes et les dialogues citoyens font face à de nouveaux obstacles, avec les rencontres en personne qui ne sont plus possible et les gouvernements qui prennent des décisions rapides sans consulter le public. Lors de nos discussions, il a été recommandé que les assemblées citoyennes se tiennent en ligne, sur le modèle de la France et du Royaume-Uni où les assemblées sur le Coronavirus se sont déroulées via internet. Les gouvernements technocratiques devraient admettre que la démocratie a connu des changements au cours des dernières décennies et qu’il faut mettre en oeuvre un système de dialogue citoyen et se servir du produit de ces dialogues de manière concrète au sein du processus législatif.
Cet article est une version condensée des défis et recommandations reçus pendant nos discussions très engageantes, au cours des 6 dernières semaines. Nous souhaitons souligner que ces discussions sont le fruit de dialogues constructifs entre experts et participants et qu’ils sont susceptibles d’évoluer en même temps que la situation de crise sanitaire se développe. Visitez notre site internet pour la totalité des recommandations et l’enregistrement des vidéo-conférences interactives. Ces recommandations feront aussi l’objet d’une nouvelle discussion lors du Forum mondial en ligne sur la démocratie directe contemporaine, du 21 au 29 Septembre 2020.
Nous avons hâte de poursuivre ce débat, de trouver de nouvelles suggestions et de travailler en vue d’assurer une réelle participation citoyenne sur un modèle de démocratie directe lors du Forum mondial en ligne sur la démocratie directe contemporaine.