Pourriez-vous nous parler un peu de votre organisation Demokratiskolan? Quels sont vos principaux objectifs ?
L'objectif principal est de sensibiliser et de renforcer le savoir-faire sur les outils de la démocratie en Suède, tels que les initiatives citoyennes et les dialogues citoyens. Je travaille depuis longtemps dans le secteur de l'éducation des adultes où on vise à aider les citoyens privés à améliorer leur niveau d'éducation civique. En Suède, cela existe depuis plus d'un siècle et nous avons plus d'une douzaine d'organisations éducatives de ce type. Demokratiskolan est un projet dans le cadre de l'une d'entre elles et vise à renforcer l'engagement et à la participation au processus politique.
En fait, notre culture politique est confrontée à de grands défis en Suède. En particulier au niveau local, où nos dirigeants politiques locaux sont étonnamment démodés en matière de démocratie participative. Seulement 18 % de nos maires s'intéressent à l'engagement des citoyens. Il n'existe pas non plus en Suède d'autorités qui informent et éduquent les gens sur ces sujets. Quelqu’un qui veut lancer une initiative citoyenne locale, n’a nulle part où aller pour demander de l’information. L'information est là, mais elle est très médiocre.
Notre but est d'augmenter le savoir-faire et de diffuser cette information, donc c'est avant tout un effort de communication. Nous voulons simplement faire connaître ce qui existe déjà. La loi sur l'initiative citoyenne est entrée en vigueur en 2011 et des initiatives citoyennes ont été lancées presque immédiatement, lorsque les citoyens ont utilisé cet outil pour protester contre la réforme scolaire. Le gouvernement avait fermé de petites écoles locales dans tout le pays, exactement en même temps où on lançait la nouvelle loi sur les initiatives citoyennes. Il y a donc eu un conflit entre les politiciens et la population, au lieu de voir cela comme un outil qu'ils pourraient utiliser pour mieux communiquer entre eux.
Depuis lors, pensez-vous que l'initiative citoyenne a évolué, les gens ont-ils des sentiments différents aujourd'hui ?
Pas vraiment, il y a encore très peu de gens qui en sont conscients, les gens ne savent pas que la possibilité de lancer ou de soutenir une initiative citoyenne existe... Eh bien, je suppose que les choses se sont un peu améliorées. Le problème avec les écoles locales a donné le coup d'envoi de l'initiative citoyenne et a contribué à une plus grande sensibilisation, mais c'était encore un très mauvais départ. En fait, notre nouveau projet, Folkinitiativ.se, se concentre uniquement sur l'initiative citoyenne et le référendum, où Demokratiskolan était plus largement axé sur la démocratie participative.
Oui, vous avez lancé votre nouveau projet Folkinitiativ !
Oui, à la Semaine de la démocratie à Falun!
Quels sont donc, selon vous et votre organisation, les points clés qu'il faudra changer pour améliorer l'initiative citoyenne?
Premièrement, il faut augmenter le respect politique pour la décision du peuple. Aujourd'hui les politiciens ne respectent pas vraiment le résultat. Même si les gens arrivent à obtenir un vote populaire, les politiciens ne se soucient pas du résultat, car formellement les référendums locaux ne sont qu'indicatifs. L'un de nos objectifs est donc de renforcer le caractère contraignant de facto.
Il faut aussi aider toutes ces initiatives qui sont lancées pour répondre aux exigences et aux règles administratives. Ils ont mis en place d'énormes exigences administratives pour arrêter ces initiatives. Nous essayons donc d’éduquer les organisateurs sur la manière d'utiliser l'initiative citoyenne. Nous voulons que toutes les initiatives passent à l'étape suivante, de sorte qu'elles donnent lieu à un vote populaire. La règle pour cela est que vous devez recueillir les signatures de 10% des citoyens.
Vous distribuez également le prix Demokratirosen pour la première fois aujourd'hui ?
Oui, c'est un nouveau prix pour la meilleure initiative citoyenne en Suède.
Comment décidez-vous quelle est la meilleure initiative citoyenne ?
Nous examinons s'ils ont mis au point un processus qui améliore l'initiative citoyenne d'une certaine manière. En réalité, il n'existe bien sûr pas de véritable manuel sur la manière d'organiser une initiative citoyenne, c'est pourquoi nous cherchons les organisateurs qui ont élaboré de bonnes pratiques. Un autre critère, c'est de savoir s'ils ont réussi à convaincre beaucoup de gens. Il doit aussi s'agir d'une question qui est bonne pour tout le monde ; l'instrument ne doit pas être utilisé comme un outil pour discriminer les gens.
Quelle initiative a gagné?
C'est une initiative de Vaxholm, dans l'archipel de Stockholm. Ici, des citoyens très actifs et engagés ont proposé de transformer un ancien complexe scolaire en centre culturel, tandis que la majorité des autorités locales veulent détruire les bâtiments et construire des centaines d'appartements. Une première tentative d'initiative a été invalidée par la municipalité, de sorte qu'elle a dû réunir au moins 10 % de l'électorat lors de la deuxième tentative - et elle a réussi. Le 10 septembre dernier, plus de la moitié des citoyens de Vaxholm ont participé à un vote populaire et ont soutenu la proposition de l’initiative citoyenne. Un beau succès pour la démocratie directe moderne en Suède et un digne gagnant du prix Demokratirosen cette année.
Une dernière question, sur la base de l'expérience suédoise, y a-t-il des améliorations que vous pourriez suggérer pour impliquer les citoyens en Europe ? Y a-t-il des leçons à tirer pour l'initiative citoyenne européenne?
Je pense que les situations de base sont très différentes, l'initiative citoyenne européenne doit être davantage une organisation transnationale en réseau. On ne peut pas les comparer. En Suède, nous pouvons nous engager sur de petites questions, dans de petits villages et villes.
Par contre, ce que nous voulons vraiment que l'ICE a déjà, c'est la possibilité de signer électroniquement les initiatives citoyennes ! Cela amenerait la situation à un autre niveau. Maintenant, il faut se tenir sur le trottoir, c'est un travail ardu : monter et tenir un stand à l'extérieur des centres commerciaux et recueillir des signatures. Nous devrions l'organiser de manière à ce qu'ils puissent le faire sur Internet, ce serait une grande amélioration. Cela ouvrirait des possibilités et augmenterait le nombre de signataires potentiels.