Les principaux organisateurs de cette initiative, Our Power, ont lancé la pétition en exploitant la frustration des électeurs afin de transformer le paysage électrique du Maine. La pétition vise à soumettre cette question à un référendum - un outil de démocratie directe qui donne aux citoyens un accès direct à la prise de décision sur des questions d'intérêt public - dans le but de remunicipaliser les services publics d'énergie de la ville. Pour contextualiser, il faut remonter à 2018 - la campagne a commencé à un moment où les fournisseurs d'énergie actuels, les géants internationaux de l'énergie Central Maine Power et Versant, étaient confrontés à un rejet, en réaction à la hausse des prix de l'électricité et la facturation inexacte qui est survenue à un moment où la ville connaissait des pannes de courant prolongées liées à des tempêtes.
La remunicipalisation fait communément référence au retour des services publics précédemment privatisés aux autorités municipales, elle englobe des initiatives régionales ou nationales. Aujourd'hui, à Portland, il existe deux camps d'opinions divergentes au sein de la population. En témoigne la contre-pétition lancée par les fournisseurs de services publics privés et un nombre croissant de groupes d'entreprises. L'opposition a lancé une question concurrente sur le bulletin de vote, invitant les électeurs à se prononcer sur les implications financières du rachat du secteur privé. Les pétitionnaires initiaux sont organisés par le biais de diverses ONG dirigées par Our power qui est un "groupe de contribuables du Maine, de chefs d'entreprise, d'experts en énergie, de défenseurs de l'environnement et d'autres personnes engagées à confier l'avenir énergétique de l'État du Pin aux mains des habitants du Maine".
Au fil des ans, la communauté internationale s'est efforcée de remunicipaliser à divers degrés. En Uruguay, il s'agissait d'une question de droits de l'homme et de réforme constitutionnelle. Le 31 octobre 2004, une majorité impressionnante de citoyens uruguayens a voté, lors d'un référendum organisé pendant les élections nationales, pour ajouter une nouvelle disposition constitutionnelle stipulant que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est un droit humain fondamental. Les résultats du référendum ont interdit la propriété privée de l'eau et stipulent en outre que l'eau est une question d'intérêt public. Le référendum a été soutenu par la Commission nationale pour la défense de l'eau et de la vie (CNDAV), une coalition de mouvements et d'organisations. Cette initiative ascendante visait à réduire le fardeau environnemental résultant d'un accès inadéquat à l'eau potable, ainsi qu'à réduire les coûts élevés d'exploitation des compagnies des eaux privées. Cette réalisation a créé un précédent international important, car c'est l'un des premiers cas où un droit environnemental a été intégré dans la constitution d'un pays par le biais de la démocratie directe.
La remunicipalisation a pris une forme similaire à celle de Portland Maine dans la ville de Hambourg, en Allemagne. Le 22 septembre 2013, les citoyens ont voté par référendum pour la remunicipalisation complète des réseaux de distribution d'énergie dans la ville. La campagne a été menée par "Our Hamburg, Our Grid" et soutenue par une alliance de plus de 50 groupes. Cette alliance est née d'une frustration croissante à l'égard de Vattenfall, propriétaire du réseau énergétique à cette époque, qui n'a pas pris de décisions d'investissement en tenant compte de l'urgence du changement climatique. Vattenfall possède deux réacteurs nucléaires près de Hambourg ainsi que deux des centrales au charbon les plus polluantes d'Europe. Cette campagne visait à créer un service public local d'électricité qui permettrait à la ville de disposer de sources d'énergie plus vertes, potentiellement moins coûteuses et plus fiables. La victoire étroite de 50,9 % a eu un effet contraignant qui a conduit le gouvernement de la ville à mettre en œuvre la décision du référendum en rachetant le réseau de distribution de gaz de la ville. Jusqu'à présent, on peut considérer que Hambourg est sur la bonne voie pour mettre en œuvre la décision du référendum. Cependant, des défis majeurs restent à relever. En particulier, le rachat du réseau de chauffage urbain est encore incertain en raison de contraintes financières.
Il existe une demande claire pour des outils de démocratie directe dans l'organisation des services publics. Cette tendance croissante donne le pouvoir aux citoyens de décider du fonctionnement de leurs communautés. Des exemples similaires ont été observés à Taïwan, à Berlin, en Allemagne, ainsi qu'au Colorado, aux États-Unis. Qu'il s'agisse d'une réforme constitutionnelle comme en Uruguay ou d'un transfert de propriété comme à Hambourg, il est encourageant d'observer l'utilisation accrue des outils de démocratie directe pour obtenir des changements. Il sera intéressant de suivre les développements à Portland, dans le Maine, pour savoir comment les citoyens envisagent l'avenir de leur paysage énergétique.