La Conférence sur l’avenir de l’Europe est une innovation à l’échelle européenne rassemblant des assemblées citoyennes sélectionnées au hasard, appelées Panels de Citoyen.ne.s Européen.ne.s (PCE). Les assemblées citoyennes sont en vogue dans le monde de la démocratie européenne au niveau national et local, mais celles de la Conférence sont uniques, dans la mesure où seulement 80 citoyen.ne.s sur les 800 sont sélectionné.e.s pour l’assemblée plénière de la Conférence, où ils.elles sont convié.e.s pour échanger avec les hommes et femmes politiques européen.ne.s et des Etats membres. La structure complète de la Conférence peut être consultée ici (version anglaise seulement).
Nous saluons l’initiative de l’Union européenne d’impliquer les citoyen.ne.s dans la rédaction de futures propositions, cependant, la mise en œuvre des PCE et plus problématique encore, celle de la plénière, doivent être adressées. Democracy International met à disposition un indice de contrôle avec la coalition Citizens Take Over Europe pour évaluer la Conférence de manière régulière et émettre des suggestions pour l’améliorer.
Les chiffres suivants de l’indice, ainsi que les critères pour chacun d’entre eux ont été choisis et créés en prenant en compte les 10 principes pour une conférence centrée sur les citoyen.ne.s et les standards conformes à un processus de participation démocratique européen significatif. Cette évaluation est le fruit d’observations faites sur place à la Conférence, y compris celles effectuées en direct par Democracy international. Cela sert de rapport intermédiaire, puisque l’évaluation finale sera publiée au printemps 2022. Sur un échelle de 1 (mauvais) à 5 (excellent) l’indice est le suivant :
Participatif - 3
Nous saluons l’approche « carte blanche » pour fixer l’ordre du jour lors du premier cycle des PCE, où les participant.e.s ont été solicité.e.s pour partager leurs visions à long-terme sur un éventail complexe et exhaustif de sujets attribués à chaque panel, ainsi fixant l’ordre du jour de leur propre panel. Le processus d’amendement et de modification des sous-catégories est un processus transparent et participatif par lequel les citoyen.ne.s sont invité.e.s à faire part de leurs impressions et leurs préoccupations. Suite à un débat mené par les citoyen.ne.s sur les amendements proposés, un vote démocratique a été tenu pour décider quels amendements sont acceptés et lesquels sont rejetés. Le processus d’élaboration des thèmes est considéré valorisant et encourage les citoyen.ne.s à s’affirmer.
Cependant, ce processus et le nombre de sujets par panel offrent souvent une fenêtre trop large pour que les sujets soient traités en profondeur en l’espace de seulement trois week-end. Par exemple, la panel 1, qui couvre l’économie, la justice sociale, l’emploi, l’éducation, la jeunesse, la culture, le sport et la transition numérique risque de s’occuper de trop de sujets en trop peu de temps, et les citoyen.ne.s d’être dépassé.e.s. De plus, les citoyen.ne.s n’ont pas été consulté.e.s sur l’organisation du processus même.
Malheureusement, le seul moyen de participation à la conférence pour les citoyen.ne.s non sélectionné.e.s est de passer par la plateforme en ligne. Les idées tirées de la plateforme en ligne sont parfois utilisées pour les PCE, par exemple en demandant aux expert.e.s de réagir aux idées soumises sur la plateforme. Toutefois, la participation via la plateforme en ligne est déséquilibrée, par exemple sur des critères de genre, seulement 15% des utilisateurs.rices s’identifient en tant que femme. En outre, la plateforme digitale n’est pas encore considérée de manière structurée lors des sous-groupes des PCE.
Inclusif - 2
Nous sommes reconnaissant.e.s du recours à une technique de sélection par échantillon pour les PCE, par laquelle 800 citoyen.ne.s sont sélectionné.e.s au hasard et représentent la diversité au sein de l’Union européenne selon des critères géographiques (nationalité et urbain/rural), de genre, d’âge, de milieu économique et social, et de niveau d’éducation. Il y a aussi beaucoup d’efforts déployés pour inclure les jeunes, avec un tiers des citoyen.ne.s âgé.e.s entre 16 et 25 ans. Toutefois, hormis le cas du genre et de l’âge, il n’y a pas de donnée disponible qui démontre que l’inclusion socio-économique, géographique et ethnique est respectée pour les quatre panels.
Il est particulièrement alarmant que les groupes marginalisés ne soient pas correctement représentés, il faudrait fixer un seuil pour les groupes vulnérables, qui incluent mais ne se limitent pas, aux personnes de couleur, aux personnes qui s’identifient comme non-binaire, aux personnes issues de l’immigration, aux résident.e.s de l’UE et des pays candidats à l’UE ainsi que des citoyen.ne.s qui ont des postures différentes vis-à-vis de l’UE. Un effort supplémentaire pour recruter ces groupes vulnérables, qui ne sont pas susceptibles d’être atteignables par les moyens traditionnels, est nécessaire pour amplifier les voix de ceux.lles qui sont rarement entendu.e.s dans l’UE. En l’absence d’une sélection véritablement inclusive des citoyen.ne.s, l’avenir de l’Europe risque d’aliéner davantage les groupes vulnérables et marginalisés.
Délibératif – 3
Considérant les objectifs fixés à l’ordre du jour lors du premier cycle de PCE, il n’était pas surprenant que les mécanismes délibératifs n’étaient pas centraux, cependant, cela est censé évoluer pour les sessions à venir. Pour les sous-groupes des PCE, le respect du temps de parole des citoyen.ne.s a jusqu’ici beaucoup varié, de sorte qu’aucun.e participant.e ne domine les conversations. Par rapport à l’assemblée plénière, les décisions prises au sein des PCE, tel qu’amender les cinq volets et sous-catégories, se font dans un cadre délibératif, transparent et démocratique.
Il reste cependant à voir si l'éventail large de sujets traités par les PCE ne risque pas de laisser trop peu de temps pour délibérer sur le fond dans chaque panel. Bien qu’un bon nombre de perspectives et d’opinions sur l’avenir de l’Europe ne sont pas encore ressorties lors du premier cycle, et qu’il y a donc un risque de créer une bulle strictement pro-européenne, les citoyen.ne.s ont exprimé à plusieurs reprises des critiques.
La modération au sein des sous-groupes des PCE pose un problème à double tranchant : d’un côté, la qualité de la modération varie d’un sous-groupe à l’autre, notamment puisque de nombreux.ses modérateurs.rices sont chargé.e.s de différentes tâches : animer les discussions et prendre des notes. D’un autre côté, les sous-groupes sont confrontés à un écart de connaissance sur des faits techniques et spécifiques liés au sujet. Les modérateurs.rices n’étant pas forcément des expert.e.s sur le sujet, les discussions dévient d’un raisonnement basé sur des faits.
Transparence – 4
Les citoyen.ne.s sont invité.e.s et encouragé.e.s à prendre la parole, à se poser des questions et à proposer leurs idées et suggestions. Bien que les citoyen.ne.s ne soient pas en capacité de fixer par eux-mêmes les sujets à l’ordre du jour de leur panel, le processus de modification des 5 catégories se fait de manière transparente et ouverte ; les citoyen.ne.s peuvent amender eux-mêmes les thèmes qu’ils.elles souhaitent, pour autant que la majorité soit en faveur.
Les sujets liés à une révision des traités peuvent être proposés et traités, et même être listés en tant que sous-catégorie ou volet.
Bien que les observateurs.rices indépendant.e.s peuvent contrôler les PCE sur place sous réserve d’une autorisation préalable, il est nécessaire de renforcer la transparence, la clarté et la diffusion de l’invitation des observateurs.rices.
Accessibilité – 4
La capacité de diffusion en direct permet à tout individu intéressé et à la société civile de suivre les sessions plénières des PCE dans toutes les langues officielles de l’UE. Tous les documents publics dont les sous-catégories et volets choisis sont accessibles sur la plateforme en ligne dans toutes les langues de l’UE. L’exception est la liste des expert.e.s pour chaque panel, qui est souvent publiée seulement le jour même où les expert.e.s participent. La liste des membres de la plénière, dont les hommes et femmes politiques européen.ne.s et nationaux.les n’est pas publique, ce qui est très problématique du point de vue de l’accessibilité et de la transparence démocratique.
Malheureusement, les premières sessions des PCE ne sont pas disponibles sur la page d’accueil de la plateforme digitale, comme les dirigeant.e.s européen.ne.s l’avaient annoncé, ce qui rend les sessions plénières difficiles à trouver sur les nombreuses pages des institutions européennes.
Les sous-groupes ne sont pas accessibles au grand public. Bien que nous comprenons la nécessité de protéger l’espace de discussion privé des sous-groupes, la transparence et l’accessibilité des résultats des sous-catégories pourraient être améliorés en publiant les notes et les résultats des sous-groupes tout en omettant les noms des citoyen.ne.s.
Visibilité – 1
Les Panels des citoyen.ne.s europén.ne.s et la Conférence même n’ont malheureusement reçu que très peu de visibilité dans les médias des Etats membres, au niveau régional comme local. Il y a des disparités entre les Etats membre quant à la communication des gouvernements nationaux sur la Conférence.
Attrayant/amusant – 5
Les PCE offrent une opportunité unique et spéciale ainsi qu’une meilleure compréhension culturelle et des échanges entre les citoyen.ne.s venu.e.s de toute l’Europe. Il y a suffisamment de temps et d’opportunités d’échanger avec des évènements sociaux et culturels entre les sessions, dont des soirées organisées. Des mécanismes sont mis en place pour permettre aux citoyen.ne.s de s’exprimer dans la langue de leur choix, de sorte qu’ils peuvent apprendre à se connaître mieux les uns avec les autres même à l’extérieur des sessions des PCE.
Efficacité - ?
L’efficacité ne peut être mesurée à un stade aussi précoce de de la Conférence, mais elle dépendra grandement de comment la plénière traitera les propositions des PCE et quel influence politique les PCE auront sur le rapport final de la conférence, dû au printemps 2022. Si la conférence s’avère avoir une réelle influence politique, prendre en compte les propositions des citoyen.ne.s de manière concrète, cela pourrait compenser les contretemps techniques, méthodiques et procéduraux mentionnés ci-dessus. Enfin, si la conférence ne tire pas profit des propositions des PCE et si les assemblées citoyennes ne sont pas utilisées comme un moyen de participation citoyenne permanent, alors la Conférence risque de devenir une expérience démocratique qui a échoué.