Democracy International, sur la demande de Mehr Demokratie, a organisé un voyage d'étude à Dublin du 23 au 25 janvier pour 23 militants et professionnels intéressés. Pendant trois jours, nous avons rencontré d'éminents experts et parties prenantes de l'Assemblée Citoyenne irlandaise et de la Convention Constitutionnelle. Ils nous ont éclairés sur les perspectives juridiques, administratives et politiques de l'organisation et de la gestion d'un processus de participation citoyenne en plusieurs étapes, comme l'Assemblée Citoyenne.
L'ancien Premier ministre Enda Kenny, qui était au pouvoir au moment de la création de la Convention Constitutionnelle en 2012, s'est adressé aux participants au début de cette tournée de trois jours. M. Kenny nous a parlé de la situation en Irlande au moment de la crise économique et de l'appel à une plus grande participation citoyenne et à la transparence du processus de prise de décision qui a suivi. La pression de l'opinion publique était là, mais plus important encore, la volonté politique était là.
David Farrell, considéré comme l'architecte du processus, a partagé la perspective académique sur les assemblées citoyennes et a montré comment les attitudes des gens face à certaines questions changent avec le développement des connaissances politiques et l'éducation civique. Le chemin vers la Convention Constitutionnelle originale a également été ouvert par le travail de lobbying d'un projet de participation démocratique qui a parcouru l'Irlande sous le nom de "We The Citizens", qui a été dirigé par Farrell et Jane Suiter. We The Citizens a servi de test avant la Convention Constitutionnelle officielle.
La Convention Constitutionnelle de 2012 était composée de 66 citoyens, choisis au hasard, représentatifs de la composition démographique de l'Irlande, 33 personalités politiques et une président. Certains des sujets les plus controversés de la société irlandaise ont été débattus pendant neuf week-ends - tels que le mariage pour tous, la loi irlandaise sur le blasphème, l'abaissement de l'âge de vote, la limitation de la durée du mandat et le droit de vote des citoyens irlandais à l'étranger. La Convention offrait aux citoyens la possibilité unique de co-créer des recommandations politiques avec leurs représentants sur les sujets sélectionnés. Les présentations et les interactions avec un groupe consultatif d'experts composé d'universitaires, de politologues et de constitutionnalistes ont informées leurs débats.
L'histoire a été écrite lorsque, pour la première fois, les recommandations d'un tel organisme ont été soumises à un référendum et approuvées par l'électorat. En mai 2015, le mariage pour tous a été approuvé et est entré en vigueur.
L'Assemblée Citoyenne irlandaise de 2016 qui a suivi a également été monumentale. Composée cette fois-ci de 100 citoyens choisis au hasard, elle n'a été guidée que par des facilitateurs neutres et les membres de l'assemblée se sont retrouvés dans le rôle de décideurs. Ils étaient chargés de formuler des recommandations législatives sur des sujets tels que l'avortement, les parlements à durée déterminée, les référendums et le changement climatique. Un comité consultatif d'experts était à la disposition des membres pour répondre à leurs questions et fournir des renseignements généraux sur les sujets abordés. Avant les deux référendums sur l'avortement et le blasphème, les recommandations de l'Assemblée Citoyenne ont été publiées afin d'être examinées par la population irlandaise.
Le sujet le plus controversé était l'avortement. L'Irlande avait une des lois sur l'avortement les plus strictes d'Europe et même les plus grands experts irlandais étaient sceptiques quant à la possibilité d'un changement. En fait, ce sont sans doute les recommandations de l'Assemblée qui ont poussé le peuple à voter pour libéraliser sérieusement les lois sur l'avortement en Irlande lors du référendum constitutionnel obligatoire de l'année dernière. 64% des membres de l'Assemblée Citoyenne ont approuvé le texte final de la recommandation sur l'avortement, suivis par 66% des citoyens irlandais qui ont approuvé le même texte lors du référendum. Cette petite marge démontre que les assemblées citoyennes peuvent refléter les opinions de l'ensemble de la société et que les gens font confiance à leurs concitoyens pour formuler des recommandations mûrement réfléchies lorsqu'on leur donne l'occasion d'acquérir une connaissance approfondie de certains sujets. Lorsqu'un groupe de citoyens ordinaires et aléatoires se réunissent pour résoudre les questions les plus litigieuses de la société, on peut proposer des solutions qui représentent les points de vue de la société dans son ensemble.
La dernière journée de notre visite s'est terminée par un déjeuner avec trois membres de l'Assemblée Citoyenne en personne. Après trois longues journées à apprendre les détails du processus et à devenir nous-mêmes des mini-experts de l'exemple irlandais, le fait de se retrouver face à face avec les citoyens mêmes de l'assemblée semblait un peu comme rencontrer des celebrités. Ce fut une fin fascinante pour notre voyage d'entendre l'expérience de première main des citoyens qui ont contribué à façonner l'histoire de l'Irlande. Ce que nous avons appris, c'est que les Irlandais sont très fiers de leur processus délibératif unique de prise de décision. Le débat sur la démocratie participative a atteint un nouveau niveau et c'est grâce aux valeurs d'intégrité, de respect et d'authenticité qui font partie intégrante du processus tout entier que l'histoire irlandaise peut être considérée comme un succès.