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AMLO vs. AMLO : Le président qui se révoque lui-même

26-04-2022

Le 10 avril, les électeur.trices mexicain.e.s ont été appelé.e.s à voter pour destituer le président Andrés Manuel López Obrador de ses fonctions. C’était le premier référendum révocatoire national au Mexique, mais l’utilisation non-orthodoxe de l’instrument a fait l’objet de vifs débats.

Par Caroline Vernaillen

 

Comme dans de nombreux pays, le Mexique prévoit dans sa constitution la possibilité pour les électeur.trices de récolter des signatures pour révoquer un homme ou une femme politique en exercice, en lequel/laquelle ils.elles ont perdu confiance. C’est une forme spécifique d’initiative citoyenne qui est particulièrement populaire en Amérique latine. Les référendums révocatoires de ce genre peuvent être tenus à tous les niveaux de la politique au Mexique, de l’échelon local à national, mais c’était la première fois que la nation entière était appelée à se prononcer sur le sort du président au pouvoir. Cela en fait une étude de cas intéressante en soi, mais ce qui isole cette révocation des autres est que la personne à l’origine de ce référendum n’était autre que le président lui-même. 

La promesse de tenir un référendum révocatoire comme confirmation de mi-mandat faisait partie intégrale de la campagne présidentielle de 2018 d’Andrés Manuel López Obrador, connu sous l’acronyme AMLO, qu’il avait présenté comme un modèle de politique responsable.

Cependant, au Mexique le président ne possède pas de prérogative pour mettre en oeuvre un référendum révocatoire, celui-ci doit être initié par les électeur.trices. Pour démarrer le processus, le président a donc fait appel à ses partisan.e.s pour collecter le nombre de signatures requises, 2,75 millions. Une ONG a même été créée dans cette optique.

« C’était une utilisation contre-intuitive de cet instrument » selon Greta Rìos, experte en participation citoyenne et fondatrice d’Ollin. Un référendum révocatoire est par son essence une façon pour un nombre important d’électeur.trices de montrer qu’ils.elles ont perdu confiance en leur représentant.e et destituer cette personne de ses fonctions, ce n’est pas prévu comme un outil de consolidation du pouvoir.
« Il a été initié par des personnes qui ne souhaitaient pas révoquer le président de ses fonctions et qui l’ont très clairement exprimé. Un groupe d’individus a créé une ONG appelée « Let Democracy Continue » ». Elle souligne que cela constitue un détournement de l’usage initial du mécanisme de révocation, « il a été utilisé tout en sachant que le président ne serait pas révoqué, il a été utilisé comme un outil de politique ».

La campagne de récolte de signature a aussi été entachée d’accusations de fraude, Rìos affirme que « Nous avons été spectateur.trices de mauvaises pratiques. Par exemple, il fallait trois millions de signatures valides pour déclencher le référendum et bien plus a été collecté – presque deux fois plus – mais une sur quatre était faussée. »

Le Dimanche 10 avril, environ 16 millions d’électeur.trices ont répondu à la question « Etes-vous d’accord pour que le mandat d’Andrés Manuel López Obrador, président des Etats-Unis du Mexique soit révoqué à la suite d’une perte de confiance ou pour qu’il continue sa présidence de la République jusqu’à la fin de son mandat ? »

93% des votes étaient en faveur du maintien au pouvoir de López Obrador. Bien que cela semble être une consolidation importante de la position du président, il y a un certain nombre de réserves à avoir concernant ce résultat.

Dans un premier temps, le taux de participation était trop faible pour considérer ce référendum contraignant. Avec 17% des électeur.trices participant, on est loin du seuil de 40% requis. Lors de la campagne, les partis d’opposition ont appelé à boycotter le référendum en s’abstenant.

« En tant qu’experte en participation civique, il était difficile de se positionner, soutenir ou non cet exercice » ajoute Rìos, « les gens me demandaient s’ils.elles devaient voter. Après mûre réflexion, je pense que ma position sera toujours pro-participation. »

Le processus étant initié par des partisan.e.s du Président et du parti MORENA, de nombreux.ses citoyen.ne.s se sont retrouvé.e.s confus.es face à cet exercice, d’après Rìos, « je pense que de nombreuses personnes qui ne soutiennent pas forcément le président n’ont pas compris le processus et ont pensé qu’aller voter signifierait qu’ils.elles soutenaient le président. »

López Obrador a lui-même célébré sa victoire à 93%, allant jusqu’à l’appeler « historique » et s’est réjoui qu’au Mexique « le peuple est en charge » et qu’il continue d’avoir son soutien.

Toutefois, si on regarde les résultats de plus près, dans le contexte du parti MORENA, les résultats du vote posent certaines questions. De nombreux.ses citoyen.ne.s qui ont voté AMLO en 2018 n’ont pas participé au référendum.

« Ils.elles étaient en fait impliqué.e.s dans une campagne présidentielle, » selon Rios, « il y avait des affiches partout, des gens qui distribuaient des flyers dans la rue, d’autres qui portaient des t-shirts… C’était impressionnant, une campagne de mobilisation importante et ils.elles ont perdu la moitié des votes qu’ils.elles ont obtenus en 2018. Bien évidemment, le président et son parti considère que c’est un succès, d’avoir obtenu 90%... Mais je pense qu’il y a différents angles d’analyse. »

Cette nouvelle façon d’utiliser le référendum révocatoire subsistera-t-elle dans la politique mexicaine ? « La manière dont la loi est aujourd’hui formulée, les citoyen.ne.s doivent en être à l’origine, les citoyen.ne.s qui ont perdu confiance, » selon Rios. Ce que le président a cherché à prouver, c’était que « nous sommes très démocratiques, parce que nous avons ce mécanisme, et nous l’utilisons même pour donner une chance à l’opposition. » Mais cette façon d’utiliser l’instrument révocatoire a été fortement critiqué au Mexique, Rìos souligne que « c’est similaire à un sondage de popularité et c’est ainsi qu’ils.elles l’utilisent, mais c’est un abus de ce mécanisme et des ressources. C’est un exercice coûteux. »

 

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