Newsletter N°6 - Juillet 2018
ÉDITO
Référendum bulgare, entre mythe et accaparement
La Bulgarie est devenue une destination très fréquentée par les fonctionnaires de l'UE et les visiteurs étrangers en général depuis que le pays a pris la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne en janvier 2018. En arrivant dans la capitale, Sofia, un visiteur étranger peut aujourd'hui voir une multitude de pétitions circuler dans les rues, et ainsi conclure que la Bulgarie est passée d'un État post-totalitaire à une démocratie où la population a son mot à dire dans l'élaboration des politiques.
Ce serait une erreur.
Les initiatives nationales et les référendums sont en fait impossibles à organiser en Bulgarie. Cela a été prouvé, et impitoyablement pour la dernière fois en 2016 lors du premier référendum réellement à l'initiative des citoyens. Les pétitionnaires - la célèbre vedette de télévision Slavi Trifonov et son équipe - ont proposé des changements dans le système électoral ainsi qu'à une réduction significative des subventions publiques exorbitantes pour les partis politiques.
Le référendum a aboutit à la décision la plus légitime dans la politique bulgare depuis la chute du communisme, en dépit des obstacles et du jeu déloyal de la classe politique, mais il n'a pas été respecté par l'État. La raison formelle de cette situation était une participation insuffisante, comme cela est définée par l'absurde loi sur le référendum.
Ce printemps, l’on a assisté à de nouveaux appels en faveur de référendums nationaux et de nouvelles campagnes de collecte de signatures. Les pétitions, cependant, sont le plus souvent ignorées par les passants dans la rue. Les gens savent par expérience qu’il ne vaut pas la peine de les signer.
Invité par un groupe d'activistes civiques de la Grèce voisine, pour commenter le fonctionnement de la démocratie directe dans mon pays ces jours-ci, j'ai dû offrir une vision positive pour éclairer ce sombre tableau. « La bonne nouvelle concernant les référendums nationaux en Bulgarie est qu'ils ont prouvé l'intemporalité de vos anciens mythes », ai-je dit. « Il faut un Hercule, un demi-dieu (dans notre cas une vedette de télévision) pour réaliser la collecte des signatures et tuez tous les monstres redoutables sur la route du référendum. Et quand Hercule arrive au bout de la route en pensant qu'il a gagné, il s'avère qu'il n'est pas un Hercule victorieux, mais un Sisyphe condamné, fatigué de pousser le rocher vers le haut, sans rien accomplir. »
Daniela Bozhinova
Membre du conseil d'administration de Democracy International et Président de la Bulgarian Association for the Promotion of Citizens Initiatives.
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