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Le référendum sur la voix des autochtones en Australie était voué à l’échec dès le départ. Voici pourquoi

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Le référendum sur la voix des autochtones en Australie était voué à l’échec dès le départ. Voici pourquoi

07-11-2023

Le 14 octobre, les Australiens se sont rendus aux urnes pour voter sur un référendum visant à ajouter 'la voix des peuples aborigènes' au Parlement, afin d'accorder à ces communautés davantage de représentation et de reconnaissance. Il s'agirait de l'équivalent d'un comité consultatif, chargé de conseiller le Parlement et le gouvernement sur des questions concernant les Australiens aborigènes et des îles du détroit de Torres. Les enjeux étaient énormes, car ce référendum constituait la première étape vers la réalisation des objectifs de la "Déclaration du cœur", qui symbolisait l'aboutissement d'un processus de réconciliation initié il y a des décennies. Mais le résultat négatif a considérablement entravé les perspectives de progrès pour les communautés aborigènes, et il semble que de nombreux facteurs aient contribué à cet échec. Afin de mieux comprendre les facteurs ayant causé cet échec, nous avons interrogé Dion McCurdy, qui dirige une ONG de démocratie directe en Australie appelée "NewVote", et Ron Levy, professeur à l'université nationale d'Australie, qui a effectué de nombreuses recherches sur les pratiques référendaires dans le monde.

Ecrit par Léo Marhic

Contexte législatif
 
Ce référendum est défini dans la topologie du Navigateur de la démocratie directe comme "obligatoire", étant donné que le changement sur lequel les électeurs étaient consultés visait à introduire une voix indigène dans la constitution, qui agirait en tant que comité consultatif. Comme la réforme a été conçue par le corps législatif pour apporter des changements à la constitution, elle nécessitait l'approbation du peuple australien par le biais d'un référendum. En Australie, cela signifie que tous les citoyens éligibles âgés de 18 ans et plus ont l'obligation, en vertu de la loi, de voter lors de ce référendum. Les citoyens qui ne respectent pas cette obligation s'exposent à des sanctions telles qu'une amende et le taux de participation est donc généralement très élevé.
 
Il y a deux points majeurs à prendre en compte pour les réferundums en Australie. Premièrement, la condition pour que la réforme proposée soit passée est la ‘double majorité’, qui consiste d’une part de la majorité du peuple Australien dans son ensemble, et d’autre part de la majorité des Etats Australiens (c’est-à-dire quatre Etats sur six). Deuxièmement, seulement deux options sont fournies aux élécteurs, avec soit la possibilité d’approuver la réforme en indiquant ‘Oui’, ou la rejeter en indiquant ‘Non’ sur le bulletin de vote.
 
La question posée aux électeurs australiens pour ce référendum était de savoir s'ils approuvaient "la modification de la Constitution pour reconnaître les premiers peuples d'Australie en établissant une voix aborigène et des îles du détroit de Torres". Si cette modification avait eu lieu, l'objectif de la Voix aurait été d'assurer la représentation et la reconnaissance des peuples "aborigènes et des îles du détroit de Torres" dans la constitution, en agissant en tant que comité consultatif et en apportant leur contribution aux  décisions du gouvernement.
 
Pourquoi l’histoire du sujet est-elle primordiale ?
 
Afin de comprendre pourquoi ce référundum est tout simplement crucial pour les peuples aborigènes d’Australie, il faut avant tout comprendre ce qu'est la "Déclaration (Uluru) du cœur". "Il s'agit d'une déclaration magnifique et très gracieuse écrite par une ancienne culture à une très jeune génération, disant que nous avons été tourmentés et traités comme des citoyens de seconde zone... C'est une déclaration faite par le peuple indigène à l'ensemble de la nation", déclare Dion McCurdy.
 
La déclaration a été publiée à Uluru après plusieurs jours de discussions qui ont abouti à un consensus entre 250 représentants aborigènes. Elle symbolise également l'idée générale selon laquelle les peuples aborigènes devraient être reconnus dans la constitution, et reconnaît leur présence avant l'installation des colons. De plus, elle reconnaît que les aborigènes "ne se sont pas remis de la colonisation à bien des égards", comme le dit Ron Levy. Bien que cette déclaration n'ait été publiée qu'en 2017, elle s'inscrit dans le cadre d'une "longue campagne qui a débuté en 1967, lorsque les peuples aborigènes "ont été pris en compte pour la première fois dans le recensement national" et qui s'est poursuivie avec d'autres événements majeurs en 1990 et en 2007, comme l'a indiqué Dion McCurdy. 
 
Ron Levy tenait aussi à souligner qu'après avoir remporté les élections en mai 2022, le Premier ministre Albanese a choisi de répondre à l'invitation des dirigeants aborigènes, qui avaient plaidé pour une réforme au fil des ans, à promulguer la "Déclaration (Uluru) du cœur". La création d'une "voix des Premières nations" dans la Constitution australienne visait à faciliter le processus pour reconnaître l'impact qu'ont eu les lois et politiques passées du gouvernement australien, sur les populations aborigènes. Elle serait également cruciale pour la création d'un traité avec les peuples aborigènes, car l'Australie est l'un des seuls pays du Commonwealth à n'avoir conclu aucun traité avec ses peuples indigènes.
 
En théorie, il aurait toujours été possible de légiférer pour une Voix sans changement constitutionnel. Comme indiqué par Dion McCurdy : "Ce n'est pas illégitime. Ce n'est pas parce que le peuple a voté pour ne pas l'inclure dans la Constitution qu'il ne peut pas le faire par le biais d'une loi. Il a le droit de l'introduire au Parlement. Mais ce choix serait mal vu au vu de l'opposition claire de la population". Ainsi, comme le vote s'est soldé par un ‘non’ massif, on peut comprendre pourquoi la constitution demeure inchangée et que M. Albanese ait rejeté cette option.
 
Pourquoi la campagne pour le ‘Oui’ a t-elle échouée?
 
Dans l'ensemble, il y a un consensus sur le fait qu'il s'agissait d'un référendum mal organisé, étant donné que peu d'efforts ont été consacrés à la résolution des problèmes apparus au cours de la campagne.
 
Le premier facteur qui a conduit à l'échec de ce référendum, et probablement le plus déterminant, est l'absence de soutien bipartisan. Comme le souligne Dion McCurdy, "il y a eu 44 tentatives pour modifier la Constitution et seules huit d'entre elles ont abouti. Sur les huit qui ont abouti, chacune avait le soutien des deux partis". Bien qu'il y ait eu des négociations au départ, Ron Levy declarait "qu'il est devenu clair qu'il s'agissait d'une question entre conservateurs et progressistes dès que l'opposition a commencé à s'opposer à la réforme, et que la division des partis est toujours fatale pour un référendum". Le fait que le débat ait été principalement mené par des politiciens partisans a finalement conduit à une plus grande confusion parmi les électeurs, pour qui il était déjà difficile de savoir à quel camp se fier, et qui ont également dû faire face au problème plus large d'une campagne d'information médiocre.
 
Cela nous amène au deuxième facteur, que Ron Levy a parfaitement illustré : "Outre la lutte contre la désinformation, il y a aussi le manque d'information, et je ne veux pas dire par là que l'information n'était pas disponible, mais qu'à un niveau plus profond, beaucoup d'électeurs n'avaient tout simplement pas assez de connaissances". Dion McCurdy ajoute que "les partisans du ‘oui’ ont probablement surestimé le niveau général de compréhension et que le gouvernement n'a pas fait confiance aux gens pour leur confier les détails". Le fait que les aborigènes représentent seulement 3% de la population, et que les enjeux constitutionnels qui les concernent sont encore moins connus, atteste de cette réalité, comme le souligne Ron Levy. Par ailleurs, si les votes obligatoires garantissent l'égalité d'inclusion, ils diminuent également le résultat pour le camp du ‘oui’, puisque des personnes pas nécessairement bien informées sur le sujet expriment leur opinion. Cet aspect contribue également à expliquer pourquoi les chances de succès sont généralement si faibles pour les référendums en Australie. La bataille des récits menée par les politiciens du pays, dans laquelle les médias sociaux représentaient la principale source d'information, a donc aggravé ce problème.
 
Enfin, les deux facteurs décrits précédemment mettent en évidence une erreur de calcul importante de la part du gouvernement quant au niveau de compréhension de la population australienne sur les questions indigènes. Cette faille démontre qu'une plus grande consultation des citoyens aurait pu être bénéfique pour le référendum. Comme le dit Dion McCurdy : "Nous savions qu'une communication élitiste descendante ne fonctionnerait pas [...] Si le gouvernement voulait obtenir un soutien populaire pour ces idées, il devait vraiment soulever la question de la réforme et l'intégrer à sa campagne, mais il pensait pouvoir faire passer cette réforme sans avoir l'appui de tous les grands partis".
 
Quelles sont les leçons à retenir
 
Si l'information était certainement accessible pour aider les élécteurs à s'informer sur la question du référendum, certaines solutions auraient pu être adoptées pour rendre l'information disponible à un niveau plus large.
 
Dion McCurdy et Ron Levy ont tous deux suggéré des idées similaires sur cet aspect, en indiquant comment "un comité de confiance tel qu'une assemblée de citoyens, en plus d'une campagne d'information officielle" aurait pu remédier au problème de l'information. Ron Levy a suggéré "l'approche de l'Oregon, consistant en un référendum citoyen" qui aurait pu aider à réunir des personnes dans tout le pays pour examiner les informations et "émettre des déclarations faisant autorité sur ce qui était vrai et faux". Son étude a démontré que, même si elles sont coûteuses, les assemblées de citoyens sont presque deux fois plus fiables que les représentants des partis politiques lorsqu'il s'agit de questions constitutionnelles.
 
Une autre solution plus simple aurait été de répondre à l'incertitude du peuple australien dès le début, en envisageant les options disponibles autres que le référendum obligatoire. Dion McCurdy, qui est également propriétaire d'un cabinet d'avocats, a souligné qu'il est tout à fait naturel que les gens projettent des craintes sur la création d'un comité aborigène centralisé, et qu'un changement constitutionnel n'était donc pas nécessaire. "Une autre solution aurait pu consister à légiférer pour donner une voix au Parlement et à tester un modèle pendant quelques années. Cela aurait pu être une façon moins effrayante de présenter la chose aux gens". Ron Levy a également soutenu ce point et a fait valoir que l'avancée des droits aborigènes pouvaient être encouragés par d'autres méthodes d'engagement non constitutionnelles.
 
En conclusion, bien que ce référendum ait permis aux citoyens d'exprimer leur opinion, il ne peut certainement pas être qualifié d'idéal d'un point de vue démocratique, compte tenu de la mise en œuvre descendante et élitiste qu'il a suivie. Pour améliorer la qualité de la démocratie, il est essentiel de créer un cadre propice à la discussion et à la consultation ascendante des citoyens. Cela offre également un meilleur environnement pour éviter le problème de la désinformation, qui a sans aucun doute nui au débat précédant le référendum.
 
 
Ron Levy est un professeur à l’université Nationale d’Australie, qui a effectué de nombreuses recherches sur les pratiques référendaires dans le monde. 
 
Dion McCurdy dirige une ONG de démocratie directe en Australie appelée "NewVote" 
 
Sources: 

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